Que sait-on vraiment de l'efficacité de la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ?
Comme chaque année à la même période, on incite les personnes âgées à se vacciner contre la grippe, à coup de slogans qui assurent avec conviction que ce vaccin sauvera des vies. Mais est-ce le cas?
La peur de la grippe est un marché lucratif
La saison froide est de retour, accompagnée de son cortège de virus respiratoires. Pour les personnes âgées et pour celles et ceux qui les aiment, ces virus sont un sujet d’inquiétude. Comme la crise du COVID-19 nous l’avait lourdement rappelé, les plus de 65 ans sont particulièrement vulnérables à ces vagues de virus saisonniers.
Cette inquiétude représente aussi un énorme marché : on parle, à l’échelle mondiale, d’un chiffre d’affaires d’un vingtaine de milliards de dollars liés aux rappels vaccinaux annuels, grippe et COVID confondus.
Ce marché dépend, pour l’industrie pharmaceutique, de sa capacité à convaincre de l’utilité et de l’innocuité de ces vaccins. Heureusement pour cette industrie, l’essentiel du marketing ne leur coûte finalement pas grand chose, puisque les autorités sanitaires s’en chargent le plus souvent elles-mêmes. C’est le cas en Suisse cet hiver. On y recommande avec force aux plus vulnérables, notamment les plus de 65 ans, de se vacciner contre la grippe, le Covid-19 et le VRS (virus respiratoire syncytial).
La Confédération suisse vient même d’organiser une “semaine de la vaccination”, une action promotionnelle visant à encourager les plus âgés à tendre l’épaule, ou plutôt les deux épaules, peut-être, s’il s’agit de trouver de la place pour trois piqûres.
Un site internet flambant neuf a été mis en place pour l’occasion. On y lit, en très grands caractères :
“La vaccination protège contre des maladies sévères”
On y lit aussi :
“Se vacciner en automne est important pour les groupes à risque - les vaccins permettent d’éviter une grande partie des évolutions graves et des hospitalisations.”
Le message communiqué est clair : ces trois vaccins protègent les personnes à risque, et en premier lieu les personnes âgées, contre les formes graves et les hospitalisations.
Ces affirmations sont-elles scientifiquement fondées ?
Avec une confiance dans les autorités sanitaires et dans la médecine qui n’a sans doute jamais été aussi basse, il est légitime de se méfier de ce qui ressemble plus à une campagne publicitaire qu’à autre chose : on ne trouve pas la moindre trace d’une référence scientifique sur ce site promotionnel.
Je me permets donc de prendre le temps de ce billet pour factchecker cette campagne. Je choisirai de limiter mon attention au vaccin qui est sans doute le moins controversé : le vaccin contre la grippe.
Au travail.
Et… avant de lire la suite, si vous n’êtes pas encore abonné·e, je vous serais très reconnaissant de prendre le temps de le faire, c’est gratuit (ou payant si vous choisissez de me soutenir) :
Des données scientifiques très imparfaites
Cette histoire de production d’anticorps est bien jolie sur papier, mais elle ne nous dit rien de l’efficacité réelle sur les risques que l’on cherche à éviter, soit les formes graves, l’hospitalisation et la mort.
Prenons la forme recommandée pour les personnes âgées, l’Efluelda, fortement dosé. En consultant les informations disponibles sur compendium.ch, on ne lit, concernant son efficacité, qu’une seule chose : une étude clinique a montré que ce vaccin conduisait à la production d’anticorps en quantité respectable:
L’objectif était de démontrer la non-infériorité d’Efluelda par rapport au vaccin grippal trivalent à haute dose (inactivé, à virion fragmenté) en évaluant la moyenne géométrique des titres en anticorps (MGT) mesurée par inhibition de l’hémagglutination (IHA) au jour 28 ainsi que les taux de séroconversion.
La production d’anticorps est un critère “de substitution”, accepté par les autorités sanitaires pour plusieurs vaccins en lieu et place des critères cliniques pertinents, comme l’efficacité sur le risque de mort ou d’hospitalisation. Cette substitution est plus que discutable, puisque, comme le relève le britannique Tom Jefferson, co-auteur de plusieurs revues systématiques sur le sujet, dans son blog :
“L’efficacité d’un vaccin est une mesure de la protection contre la maladie clinique et dépend à la fois de la réponse immunitaire et des circonstances d’exposition, telles que les infections antérieures, les variants viraux en circulation et les risques d’exposition individuels.”
Autrement dit, cette histoire de production d’anticorps est bien jolie sur papier, mais elle ne nous dit rien de l’efficacité réelle sur les risques que l’on cherche à éviter, soit les formes graves, l’hospitalisation et la mort.
A ce stade, donc, la question reste ouverte : ces vaccins peuvent-ils vraiment protéger nos parents et grands-parents contre la grippe ?
Pour le savoir, il faut des études 1) de bonne qualité et 2) qui mesurent vraiment l’efficacité contre le risque de mourir ou d’être hospitalisé, soit des essais contrôlés randomisés robustes proposant idéalement un suivi à long terme, sur un grand nombre de patients, avec un groupe contrôle qui aurait reçu un placebo. Une fois qu’on a trouvé ces études, pour peu qu’elles existent, il faut encore nous assurer que leurs résultats confirment effectivement l’efficacité de ces vaccins.
Le premier problème, c’est que ce type de données est remarquablement rare. Quand on se penche sur les données censées démontrer l’efficacité des vaccins contre la grippe, on trouve surtout des données beaucoup moins solides : en plus de ces fameuses études mesurant la production d’anticorps qui suffisent à satisfaire nos autorités sanitaires (bien peu regardantes…), il y a aussi des données observationnelles, sujettes à un risque de biais important (notamment le fameux “biais du vacciné sain”), ou des essais randomisés montrant seulement la supériorité ou la non-infériorité par rapport à d’autres vaccins.
Le verdict sévère de la Cochrane et des experts
Pour trouver les meilleures données disponibles, on doit se tourner vers la revue systématique de la très réputée Cochrane, une méta-analyse qui se fonde, elle, uniquement sur les essais contrôlés randomisés disponibles, les données les plus fiables. La conclusion de cette revue de la littérature ? Pour les personnes âgées, les données ne permettent pas de prouver l’efficacité de ces vaccins sur les risques de mort ou d’hospitalisation.
Voilà.
“Nous savons depuis dix ou quinze ans que le vaccin contre la grippe n’a aucun effet sur les personnes âgées.”
Et ce constat d’une absence de preuve d’efficacité de ce vaccin, à plus forte raison sur une population de personnes âgées, est un secret de polichinelle pour de nombreux experts. Le Dr Michel de Lorgeril constate par exemple, dans son ouvrage sur le sujet qu’il n’y a pas de relation entre la vaccination et la sévérité de la grippe dans nos populations. Quant à Peter Gøtzsche, co-fondateur de la Cochrane Collaboration, ardent défenseur de la scientificité en médecine, et, lui aussi, auteur d’un ouvrage sur la vaccination, il se montre implacable : selon lui, aussi vrai que tout le monde devrait se vacciner contre la rougeole, personne ne devrait se vacciner contre la grippe !
Un avis critique également porté, en Suisse, par ce spécialiste des maladies infectieuses qu’est le Dr Pietro Vernazza, qui enfonce le clou dans une récente interview :
Nous savons depuis dix ou quinze ans que le vaccin contre la grippe n’a aucun effet sur les personnes âgées. On peut examiner les données pour le prouver ou non, mais elles sont là. L’OFSP le sait, Daniel Koch le sait, Virginie Spicher le sait. Ils le savent tous et nous en avons discuté lors de réunions auxquelles j’ai participé. Les données sont publiées et elles sont claires comme de l’eau de roche.
Même sur des adultes en bonne santé, avec un système immunitaire plus fonctionnel, l’efficacité des vaccins contre la grippe reste, dans le meilleur des cas, une roulette russe. L’an dernier, par exemple, l’efficacité sur le risque d’infection s’était révélée… négative, selon une étude observationnelle conduite à la Cleveland Clinic. Une étude qui semble d’ailleurs avoir bien du mal à être acceptée pour publication, malgré la bonne réputation de l’institution.
Science ou religion, il faudrait choisir
Les campagnes annuelles de vaccination destinées aux personnes âgées sont donc essentiellement des messages publicitaires payés par nos impôts au profit de l’industrie pharmaceutique, fondés sur une foi en la qualité de ces produits qui se soucie bien peu des données scientifiques.
En conclusion, il n’existe simplement pas de certitude scientifique que le vaccin annuel contre la grippe permette de protéger les personnes âgées contre les formes graves de la maladie. L’efficacité du vaccin contre la grippe est très incertaine. Son innocuité aussi, puisque dans ce domaine également, les données manquent, comme le déplorent aussi bien la revue systématique Cochrane que le Dr de Lorgeril.
Les campagnes annuelles de vaccination destinées aux personnes âgées sont donc essentiellement des messages publicitaires payés par nos impôts au profit de l’industrie pharmaceutique, fondés sur une foi en la qualité de ces produits qui se soucie bien peu des données scientifiques. C’était déjà la substance d’un éditorial sévère de l’épidémiologiste Peter Doshi publié dans le British Medical Journal en 2013 :
Un examen plus approfondi des politiques relatives au vaccin contre la grippe montre que, bien que leurs partisans recourent à la rhétorique scientifique, les études qui sous-tendent ces politiques sont souvent de mauvaise qualité et ne corroborent pas les affirmations des responsables. Le vaccin pourrait être moins bénéfique et moins sûr qu’on ne le prétend.
Que conclure ?
Que plus ça change, plus c’est la même chose.
J’ai décrit, dans un précédent billet, comment nos autorités avaient prôné, puis imposé, le vaccin contre le Covid-19 sur la base d’une propriété, la capacité à bloquer la transmission, qui n’avait jamais été démontrée. Ce billet vient simplement rappeler que cette extraordinaire confusion entre publicité et réalité, entre croyance et science, ne date pas de la crise du Covid-19.
Elle se produit, depuis bien longtemps, au début de chaque saison hivernale quand on nous vante les vertus au pire imaginaires, au mieux espérées des vaccins anti-grippaux.
L’extraordinaire livre que vient de faire paraître, en anglais pour l’instant, l’avocat américain Aaron Siri porte un titre qui laisse songeur: “Vaccines, Amen”. Il y démontre brillamment que la seule métaphore cohérente pour décrire notre relation à la vaccination est une métaphore religieuse, avec la vaccination pédiatrique comme baptême, les médecins comme prêtres, et les stars de la vaccinologie comme évêques et pape.
Comme tant d’autres, il découvre avec consternation combien la médecine des vaccins n’est, pour reprendre les termes du Dr Michel de Lorgeril, que j’ai interviewé il y a quelque temps, tout simplement “pas scientifique”, en raison d’un mépris routinier, complètement hallucinant, pour les règles les plus élémentaires de l’evidence based medicine:
Si ce n’est pas une science, est-ce une religion ?
Je me pose moi-même la question. Et ce n’est pas cette campagne annuelle complètement déconnectée de la réalité scientifique qui me rassurera.
Merci de m’avoir lu, et belle journée à vous !
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